Que vous soyez amateurs, novices, spéculateurs voir même professionnels, une question nous revient fréquemment : « que pensez-vous des primeurs, faut-il acheter du bordeaux en primeurs, est-ce que le nouveau millésime 2014 est intéressant ? »
Avant même de commencer, il est important de comprendre le mécanisme des ventes en primeurs : récoltés en automne, puis vinifiés, les vins sont mis en vente « en primeurs » dès le mois d’avril qui suit. Cependant, les vins ne seront mis en bouteilles que deux ans après. C’est un peu comme si vous achetiez sur catalogue mais vous n’en bénéficierez que deux ans plus tard, à la seule différence, c’est que vous les avez dégustés. L’objectif de ce fonctionnement : permettre aux châteaux de commencer à vendre leur vin avant de les livrer, dans le but de bénéficier d’un « financement », et pour le consommateur, bénéficier d’un prix inférieur au prix de vente une fois en bouteilles.
Revenons donc à nos moutons, plusieurs éléments sont à prendre en compte avant de répondre à ces questions ; commençons donc par le commencement : analyses du marché primeurs des dernières années…
Tout a réellement commencé entre 2005 et 2009, avec une forte demande de la part du marché chinois. Une nouvelle ère commence donc pour les producteurs bordelais : la demande est là, les vins partent comme des petits pains ! Coté millésimes, il faut dire qu’ils ont été gâtés ; 2009 et 2010 sont deux très grands millésimes produisant de très bons vins avec un fort potentiel de garde. Toutes les conditions sont donc réunies pour s’en mettre plein les poches ! Conclusion simple, les prix explosent !
Seulement, le marché n’a pas été réellement anticipé, car pour les millésimes qui vont suivre, à savoir 2011, 2012 et 2013, qui ne sont pas forcément de pauvres millésimes, mais loin du potentiel des 2009 et 2010, ce sera la dégringolade ! Les quantités ont du mal à s’épuiser et le constat est clair, : il faut baisser les prix. Mais imaginez-vous, vous avez acheté des vins en primeurs, et vous vous retrouvez avec des bouteilles dont la valeur est inférieure au prix en primeurs, et pour tous les professionnels du marché, il sera donc difficile de baisser les prix car ce serait perdre de l’argent, tout simplement ! Suite logique de cet engrenage, les millésimes 2009 et 2010 ne se vendent plus car trop chers! Certains professionnels en arriveront même à mettre la clé sous la porte car ils se retrouvent avec des quantités astronomiques de bouteilles impossibles à vendre !
Revenons donc à cette campagne en primeur du millésime 2014. Comme on peut le constater, le millésime 2014 a été très perturbé au mois de juillet et jusqu’à mi-aout, pour finalement profiter d’un très bon mois de septembre, ce qui a sauvé la récolte.
Le Merlot s’en sort beaucoup moins bien que le Cabernet sauvignon et le Cabernet franc, donc indéniablement, c’est la rive gauche, localité du Cabernet, qui s’en sort vainqueur.
Et d’après les dires, même si le millésime est certes très bien, il n’en sera pas pour autant exceptionnel. On a tendance à embellir les nouveaux millésimes pour pousser à la vente…
Une fois de plus les châteaux bordelais, trop gourmands, ont du mal à baisser leur prix, et certains les ont même augmentés !
Coté médiatique, n’en parlons pas, le très attendu Robert Parker, qui est le « messie » des primeurs à Bordeaux, a annoncé qu’il arrêtait de noter les primeurs, pour passer la main à Neil Martin. De quoi désemparer les producteurs, qui ont construit leur réputation avec ce célèbre critique.
Le changement est souvent bénéfique, et je pense qu’il est désormais temps de passer au chapitre suivant. Laissons la place aux producteurs de l’ombre qui produisent des vins d’exceptions, et repartons sur de vraies valeurs, en dehors des intérêts financiers de ce petit monde élitique qui s’est enraciné sur Bordeaux.
Alors pour finalement répondre à cette question qui turlupine beaucoup d’entre vous, je dirai que la campagne primeur 2014 risque d’être la dernière. Et si je devais vous conseiller, dans ce cas, évitez les primeurs, au risque de nouvelles déceptions.